Histoire du Territoire de Belfort

Né officiellement en 1871 avec la signature du Traité de Francfort, qui met fin à la guerre franco-prussienne, le Territoire de Belfort devient un département français à part entière en 1922.

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Du Néolithique à l'Antiquité

Si des vestiges paléolithiques sont rares dans notre région, le Néolithique est davantage présent, par exemple au Mont-Vaudois proche d'Héricourt.

Les Grottes de Cravanche, lieu de sépulture, abritaient de nombreux squelettes et objets divers (outillage, bijoux, poteries…) que l'on peut dater des environs de 4000 à 3000 avant J.C.

Au cours du 1er millénaire avant J.C., différentes peuplades se succèdent en laissant quelques traces comme le tumulus de Grandvillars (fin 7ème siècle – début 6ème siècle), ou encore le sanctuaire d'Offemont (5ème siècle).

C'est à ce moment là que différentes tribus celtiques s'installent par vagues successives dans le territoire auquel ils donneront leur nom : la Gaule.

Au premier siècle avant J.C., la région de Belfort est occupée par les Sequanes comme le reste de la Franche–Comté. Les relations avec les peuples voisins sont souvent tumultueuses, c'est ce qui permettra à Jules César d'intervenir en Gaule à partir des provinces du Sud déjà conquises (Narbonaise).

En –58, il repoussa Arioviste (chef germain) au-delà du Rhin, puis à partir de –52 conquiert la Gaule « chevelue ».

Intégrée à l'Empire romain, la région se stabilise pour plusieurs siècles. Les courants d'invasions venus de l'Est durant les siècles précédents sont stoppés. Le pays reste une zone frontière où les passages de troupes sont nombreux vers le Limés et la Germanie.

Des voies romaines sont construites joignant la Gaule au Rhin. Le centre principal en est Epomanduodurum, future Mandeure dans le Pays de Montbéliard tout proche.

Vestiges de lieux de cultes, ateliers de potiers, villas, retrouvés dans le Territoire de Belfort, sont les traces visibles aujourd'hui de la romanisation.

A partir du 3ème siècle, l'Empire doit faire face, à nouveau, à la pression des Germains menaçants. La région de Belfort a été un lieu de passage important.

La grande migration des peuples barbares s'achève à la fin du 5ème siècle . Burgondes et Alamans se partagent la Trouée.

Plusieurs sites dans le département, Bourogne, Belfort, Delle, illustrent leur présence, plus particulièrement celle des Burgondes et de nombreux vestiges témoignent de leur maîtrise de la métallurgie. 

Du Ve au XVIIe siècle

Durant le Haut Moyen-Age (5ème-10ème siècle), la Porte de Bourgogne est tiraillée entre les influences alémaniques et franques.

Siècles obscurs pour la région, car les écrits sont rares et les traces archéologiques peu explicites durant cette période troublée et anarchique où le pouvoir change rapidement de mains.

Il semble probable que, dès cette époque, des communautés humaines s'enracinent à partir d'habitats anciens sous l'influence de la christianisation. Le peuplement paraît plus important au sud du Territoire actuel.

Au 13ème siècle, les comtes de Montbéliard et ceux de Ferrette, héritiers de Louis de Mousson, se partagent la porte de Bourgogne et sont en lutte continuelle.

En 1226, le Traité de paix de Grandvillars les rapproche, c'est aussi la première mention de Belfort dans un document officiel.

Par le biais de mariages et d'héritages, la région de Belfort échoit en 1302 à Renaud de Bourgogne puis à sa fille Jeanne. Le mariage de Jeannette, fille de Jeanne, avec Albert d'Autriche, fait passer la région de Belfort sous domination autrichienne pour 3 siècles.

Belfort, petite bourgade fortifiée, affranchie depuis 1307, bénéficie des largesses de deux femmes, Jeanne de Montbéliard (morte en 1350) et Catherine de Bourgogne (décédée en 1426) : fondations d'hôpitaux, du chapitre, pavage des rues…

La région subit aussi des ravages lors de passage de troupes (guerre de Cent ans, guerre avec la Bourgogne, rebellions diverses, conflits religieux). La population est aussi touchée par des épidémies très meurtrières.

A partir de 1617, la contrée connaît des dévastations encore plus graves liées à la guerre de Trente ans ; celle-ci fait disparaître environ la moitié de la population.

En 1636, le comte de la Suze s'empare de Belfort au nom du roi de France ; conquête confirmée par les Traités de Westphalie en 1648.

Du XVIIe au XIXe siècle

Le comte de la Suze, seigneur de Belfort, fait construire une couronne protégeant le château à l'Est ; mais il se rallie à la Fronde et Louis XIV fait reprendre la ville par ses troupes. Il attribue les anciennes terres autrichiennes au cardinal de Mazarin qui devient à son tour comte de Belfort.

Désormais, les héritiers du cardinal sont les seigneurs de la ville jusqu'en 1789.

Malgré la fortification de 1648, Belfort n'est qu'un bourg modeste, à nouveau assiégé en 1674. Aussi, le Maréchal de Vauban, commissaire aux fortifications, propose dès 1675 à l'issue d'une première visite à Belfort, des améliorations du système défensif.

L'acquisition de la Franche-Comté en 1678 accroît encore l'importance de la Trouée. Les travaux acceptés par le roi débutent en 1687 et font de Belfort une véritable place de guerre : la surface de la ville est doublée, elle est entourée d'une enceinte pentagonale bastionnée, dotée de plusieurs casernes.

Vauban invente aussi un système défensif original afin de pouvoir stopper une attaque ennemie depuis les collines qui encerclent la ville et la mettent en position de faiblesse. Au 18ème siècle, la ville s'agrandit au-delà des fortifications.

A la fin de l'Empire, Belfort subit 2 sièges : celui qui précède la première déposition de Napoléon, de la fin de 1813 à avril 1814 – le plus long siège de l'histoire de la ville (133 jours) – puis celui de 1815, plus bref, avant la chute définitive du régime impérial.

Les populations de Belfort et du Territoire ont durement souffert, tant des combats que de l'occupation des troupes coalisées essentiellement autrichiennes.

Sous la Restauration, des travaux importants sont entrepris afin d'assurer une meilleure protection de la Place forte, celle-ci se trouvant en première ligne face au Rhin. Ils concernent d'abord la citadelle puis les environs, les collines environnant Belfort. Dans un premier temps, la Miotte et la Justice forment un camp retranché en direction du nord.

Ces travaux seront menés à bien par le général Haxo de 1823 à 1841. Les fortifications seront achevées, en partie seulement, par le commandant Denfert Rochereau. Arrivé à Belfort en 1864, il travaille à la mise en défense des ouvrages de la forteresse. 

La création politique du Territoire de Belfort

Le département est directement né de la guerre de 1870 durant laquelle Belfort devra subir un long siège de 3 mois.

En 1870, Belfort, chef-lieu d'arrondissement du département du Haut-Rhin, exerce déjà des fonctions militaires, administratives et commerciales.

Avec ses 6257 habitants, la cité n'est qu'une petite ville, enserrée dans les remparts de Vauban, mais dont l'extension a débuté au-delà de la Savoureuse, vers la gare nouvellement construite.

L'armée française se trouve rapidement en difficulté. La capitulation de Napoléon III et de son armée à Sedan provoque la chute de l'Empire et la proclamation de la République le 4 septembre 1870. Mais celle-ci ne peut changer le sort des armes.

En septembre – octobre, l'Alsace est investie par les troupes prussiennes. Belfort se retrouve en première ligne. Nommé commandant supérieur de la Place le 19 octobre par Gambetta, Denfert-Rochereau accélère les travaux autour de la Place forte.

La ville va subir un long siège du 2 novembre 1870 au 13 février 1871. Les habitants ne se laissent pas décourager ; ni les bombardements ni les menaces ennemies ne viendront à bout du moral des assiégés.

Une convention d'Armistice entre le gouvernement de défense nationale et Bismarck est signée alors que la ville résiste toujours.

Le 13 février, le gouvernement français ordonne au commandant de la place de livrer celle-ci aux Allemands. Au moment où se termine l'évacuation des troupes françaises, les prussiens pénètrent dans la ville, les fenêtres sont closes et les rues désertées par la population.

Le Traité de Francfort, signé le 10 mai 1871, consacre d'une part la défaite de la France – perte de l'Alsace et du nord de la Lorraine, indemnité de 5 milliards de francs à verser – et d'autre part, est à l'origine de l'essor de la cité et de son territoire.

Belfort échappe à l'annexion grâce à sa résistance et à l'habileté de Thiers et des négociateurs français qui, après de nombreuses rencontres, obtiennent des Allemands qu'ils cèdent à la France une zone plus vaste que l'enclave primitivement accordée.

Cette zone recouvre 105 communes. La frontière avec l'Alsace allemande suivra la ligne de partage des eaux et correspondra à peu près à la frontière linguistique.

Proche des frontières suisse et allemande, la ville de Belfort sera un carrefour important et le territoire qui l'entoure embryon d'un futur département né de circonstances uniques.

1871

 

Les négociations directes entre A. Thiers et Bismarck, précédant la signature du traité de paix le 10 mai 1871, conduisent les Allemands à ne pas annexer tout le Haut-Rhin. Belfort et 105 communes demeurent françaises. Charles Lebleu est nommé administrateur provisoire de la zone française détachée du Haut-Rhin, dans l’attente de la réintégration à l’Alsace. 

Cette zone de 106 communes peine à trouver un nom et une vraie structure administrative. Au départ il n’y a pas de Conseil général mais une commission administrative, les députés et sénateurs élus à Belfort à partir de 1871 sont les élus du Haut-Rhin territoire de Belfort. La majorité des services de l’Etat dépendent de chef de services installés à Vesoul, comme la cour d’Assises. Tout cela reste donc provisoire dans l’attente de la reconquête de l’Alsace annexée. 

Depuis 1872

Ce n'est qu'en 1922 que le Territoire de Belfort obtiendra le statut définitif de département à part entière.

Si, à l'issue de la guerre de 1870, Belfort et les communes correspondant à l'ancien arrondissement du Haut-Rhin restent à la France, la question du devenir de ce territoire se pose rapidement. Rien ne doit laisser penser que l'on s'accommode de la défaite ; l'Alsace et la Lorraine seront reconquises.

Aussi, le Territoire garde-t-il le nom de Haut-Rhin jusqu'à la Première Guerre mondiale. On ne crée officiellement ni département ni administration.

Le plus haut responsable administratif s'appelle « l'Administrateur faisant fonction de Préfet » et c'est une commission qui exerce les attributions du Conseil général.

Cependant, la ville s'étend rapidement. La population belfortaine, comme celle du territoire, augmente vite et les besoins administratifs se font sentir. Aussi, une préfecture est-elle édifiée au début du XXe siècle (1901-1902) ainsi qu'un palais de justice. D'autres constructions, tant commerciales, militaires qu'industrielles, s'élèvent de part et d'autre de la Savoureuse.

Belfort devient rapidement le symbole du patriotisme.

De nombreux monuments, dont le plus célèbre est le Lion, sont édifiés. Ils rappellent la défense héroïque de la Place et le maintien à la France d'un petit morceau d'Alsace.

Avant 1914, lors de chaque fête nationale, de nombreux manifestants convergent vers la cité du Lion.

Parmi eux, des Alsaciens nostalgiques sont accueillis avec ferveur. Ils rappellent les provinces perdues et entretiennent un sentiment patriotique de plus en plus fort lors des grands défilés militaires.

La victoire de 1918 et le retour à la France des terres alsaciennes et lorraines auraient dû permettre de rattacher le Territoire de Belfort au Haut-Rhin. Il n'en a rien été.

Pour diverses raisons, politiques mais surtout économiques, le gouvernement crée, le 11 mars 1922, un nouveau département : le Territoire de Belfort.

A plusieurs reprises, dès 1918-1919 mais aussi en 1945, un nouveau découpage territorial a été envisagé afin de repousser les limites de cette petite entité vers l'ouest et le sud. Aucune de ces tentatives n'a abouti. Le Territoire de Belfort est resté ce département (le seul en France) né de circonstances historiques exceptionnelles et porteur d'une forte charge patriotique

Comme dans tout département, l'administration départementale du territoire est placée sous l'autorité d'un fonctionnaire de l'Etat : le Préfet ; le conseil général n'ayant alors qu'un rôle de proposition.

L'installation des administrations de l'Etat dans le département ne se fait que progressivement et partiellement. Ainsi, dans le domaine de la justice, le Territoire de Belfort ne possède toujours pas de Cour d'assises.

De 1871 à 1982, le nombre de cantons est passé de 5 à 15.

Le Lion de Belfort : inauguré en août 1880

Le projet d'ériger un monument à la gloire des défenseurs de Belfort lors du siège de 1870-1871 remonte à 1872.

Le sculpteur colmarien Auguste Bartholdi, qui a été choisi, expose sa conception d'un tel monument commémoratif au maire Edouard Mény dès mars 1872. Son projet, le premier d'une série de 3 ou 4, est défini en août : ce sera un lion de 4 mètres de haut, en pierre blanche pour trancher sur la couleur foncée de la roche du château où il doit être placé.

Le crédit nécessaire à cette réalisation est voté par le conseil municipal en mai 1873, mais un deuxième projet voit le jour en octobre de la même année. Le monument aura, cette fois, une longueur de 15 mètres sur 7 mètres de haut. Il est toujours prévu, pour l'instant du moins, en pierre blanche. Le coût étant évalué à 50.000 francs, la ville ouvre une souscription nationale.

A la clôture de cette souscription, en mai 1874, plus de mille lettres ont été adressées, totalisant 92.000 francs de promesses de dons, de 25 centimes à 3000 francs.

Tout le pays s'est ému. Eriger un tel Lion, symbole de la vaillante résistance locale à l'envahisseur et de l'honneur sauvé, est une affaire nationale. Avant même d'être construit, le Lion est déjà entré dans la légende.

Les Belfortains se sont emballés pour l'élévation du monument. Mais la construction, entamée au printemps 1876, traîne. La dernière pierre ne sera posée qu'en septembre 1879.

On sent poindre un certain désenchantement, voire une régression du sentiment d'unanimité de départ. La déception vient-elle en partie du grès rose des carrières de la région (Pérouse) qui remplace le calcaire blanc du projet initial ?

D'autre part, un malentendu entre la ville et le sculpteur Bartholdi est à l'origine du "ratage" de la vraie naissance du Lion. La ville de Belfort refuse toute inauguration officielle et l'artiste, qui veut célébrer son oeuvre, doit illuminer le monument à ses frais (28 août 1880).

Un long procès suivra, étalé sur plusieurs années, ainsi qu'un grand ressentiment de l'artiste, à qui la ville a pourtant confié en 1878 la réalisation d'un autre monument commémoratif, le monument des Trois Sièges.

1918

Durant la Grande Guerre l’avenir de Belfort et de son territoire fait de temps à autres l’objet de débats politiques locaux. Mais la victoire du 11 novembre précipite la nécessité de trouver un dénouement à l’ambigüité administrative. 

 Le 19 novembre, un éditorial dans « L’alsace » évoque le devenir du Territoire alors que le gouvernement vient de nommer trois préfets dans les anciens départements annexés : il semble bien que, dans ces conditions, le Territoire de Belfort n’ait plus à subsister comme unité administrative, et qu’il n’ait à reprendre sa place dans le département du Haut-Rhin. Ce texte est signé J.M. (selon toute vraisemblance le conseiller général Jean Maître, gendre Viellard), il développe une position qui est celle de Louis Viellard et restera celle du journal tout au long des années 1920 dans le débat qui opposent partisans et adversaires de la création d’un département du Territoire de Belfort.  

Le 23 novembre, au Conseil municipal  la question du régime administratif réservé au territoire de Belfort est débattue. M. Houbre faisant fonction de maire propose la division de l’Alsace (1.318.000 hab.) en trois départements : 1° le Haut-Rhin avec Belfort comme chef-lieu et les arrondissements d’Altkirch, Mulhouse et Thann, le Rhin avec Colmar Guebwiller et Sélestat, le Bas-Rhin avec Strasbourg, Saverne, Wissembourg et Haguenau 

Le 19 décembre dans un long article Frédéric Beucler, rédacteur en chef de « La Frontière » affirme que lorsque la période administrative transitoire en Alsace aura permis une fusion complète des lois économiques, sociales et politiques, alors le Territoire sera réuni à son ancienne province à son ancien département comme avant 1870. Selon lui l’important n’est pas de se s’attarder à construire des châteaux en Espagne, mais la municipalité et le Conseil général doivent poursuivre leurs efforts pour rendre la ville encore plus attrayante, confortable,  moderne pour le commerce et l’industrie. 

1919-1922

A Belfort certains veulent encore croire possible le retour à l’intégrité administrative du Haut-Rhin et les grandes fêtes de la victoire qui se déroulent les 15-16 et 17 août 1919 portent le nom de fête de la victoire et de la réunification du Haut Rhin. 

Mais le 19 octobre 1919 est votée la loi de réintégration qui permet aux anciens territoires annexés dans le Reich allemand de continuer à être administrés provisoirement selon les textes alors en vigueur jusqu’à ce qu’il ait été procédé à l’introduction des lois françaises. Ce statut particulier rendait alors plus difficile le rattachement du Territoire au Haut-Rhin.

Un autre projet voit le jour début 1920 sous l’impulsion de la chambre de commerce, le rapprochement avec la Franche-Comté par la création d’un département élargi des cantons d’Héricourt et Champagney et de la partie limitrophe de l’arrondissement de Montbéliard, ce qui fait hurler tant à Vesoul qu’à Besançon. 

De son coté Louis Viellard continuait à pousser pour le rattachement pur et simple au Haut-Rhin.  

En janvier 1921 Edmond Miellet député de Belfort s’adresse à ses confères à l’Assemblée lors d’un débat sur le budget pour défendre la création d’un département de Belfort. Il s’appuie sur :  

  • l’argument démographique : le Territoire est aussi peuplé que les Hautes Alpes 
  • l’argument économique : le Territoire se suffit en matière d’imposition 
  • l’argument administratif de promotion pour les administrateurs  
  • l’argument patriotique, le Territoire a bien mérité de la Nation cette reconnaissance 

La proposition est adoptée par le Parlement dans la loi de finances de décembre 1921.  

Au journal officiel du 18 février 1922 un décret d’application porte le nombre des préfectures de 3ème classe est de 43 au lieu de 42. Belfort est cette 43e préfecture.  

Le 11 mars 1922 un autre décret stipule que M. Maisonobe, administrateur provisoire faisant fonction de préfet du Territoire de Belfort est nommé Préfet de Belfort de 3ème classe. 

Le département venait de naître officiellement.